MÉMOIRE DE LUNE

C’est en m’endormant ce soir-là, le manuscrit de L’Éveil du Flacon-Lune posé à mes côtés, que tout commença. Je m’étais laissé emporter par les méandres de cette histoire où Katarina Koudell, magicienne des parfums, osait explorer les rêves des autres grâce à son élixir audacieux. Mais alors que mes pensées dérivaient, quelque chose d’inattendu se produisit.

Dans l’obscurité douce de mon sommeil, une lumière argentée m’enveloppa soudain. Je sentis un souffle léger, une brise parfumée, comme si une étoile venait d’éclater en silence. Lorsque j’ouvris les yeux, je me retrouvai dans un lieu irréel : un laboratoire étrange, baigné d’une lumière lunaire scintillante, rempli de fioles en suspension, de plantes iridescentes et de créatures éphémères flottant dans l’air.

Et là, au centre de la pièce, elle était là : Katarina Koudell, comme surgie tout droit de ma propre imagination. Pourtant, tout en elle semblait terriblement réel – sa chevelure auréolée de reflets d’argent, ses mains agiles manipulant une fiole en forme de croissant de lune, et son regard malicieux lorsqu’elle se tourna vers moi.

— Eh bien, te voilà enfin, murmura-t-elle d’une voix douce. Je t’attendais.

Je restai figée, partagée entre fascination et incrédulité. Était-ce encore mon rêve ? Une création de mon esprit ? Mais Katarina semblait deviner mes pensées.

— Non, tu ne rêves pas… enfin, pas tout à fait. En écrivant cette histoire, tu as ouvert une porte. L’Éveil du Flacon-Lune n’est pas qu’un conte, tu sais. Il contient une vérité que tu cherches à comprendre.

Je balbutiai, incapable de répondre, alors qu’elle avançait vers moi, tenant le fameux flacon lunaire entre ses mains.

— Tu écris sur moi, mais en réalité, c’est de toi dont il s’agit. Ce parfum, cette quête des rêves des autres… n’est-ce pas exactement ce que tu fais dans la vie, avec les âmes que tu accompagnes ?

Je restai sans voix. Les mots de Katarina résonnaient en moi avec une justesse troublante. Était-elle une projection de mes propres questionnements ? Une partie de moi-même que je n’avais pas encore osé regarder en face ?

— Tiens, ajouta-t-elle en tendant le flacon vers moi. Ce parfum n’est pas destiné qu’à moi. Il est aussi le tien. Tu as ce don : sentir au-delà des apparences, toucher les rêves et les souvenirs des autres. Mais tu ne t’autorises pas toujours à explorer tes propres mondes intérieurs.

Je pris le flacon avec hésitation. La lumière argentée qui l’entourait sembla danser autour de mes doigts.

— Alors, ose, dit-elle en posant une main légère sur mon épaule. Une seule goutte, et tu comprendras....

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